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Posted: 02 Feb 2006, 13:51
by Elfae
La Cité d'Avalon. Dans une de ses nombreuses auberges, à l'étage, un Valkyn est assis sur un lit. Avec précaution, il sort un jeu de cartes de son sac.
Il le contemple quelques instants, puis, avec un grognement, il tire une carte au hasard et la pose face cachée devant lui. Avec hésitation, il en choisit deux autres qu'il place de chaque côté de la première.
Ses yeux se braquent sur celle de gauche.
— Le Loup. L'Humain l'a déjà tiré pour la Valkyne... Ami ou ennemi ?
Il hausse les épaules et déplace son regard vers la carte de droite. Coupée en deux, elle représente d'un côté un beau jeune homme aux traits fins, souriant d'un air aimable, et de l'autre ce même homme, une dague ensanglantée devant le visage, les yeux froids et l'expression neutre.
Double tranchant...
Le Valkyn contemple la carte sans savoir quoi en penser. Finalement, il secoue la tête et tire les quatre dernières cartes, qu'il place exactement comme il a vu l'Humain le faire. Il porte son regard sur la carte du Nord, et ne peut retenir un sourire. Il caresse de sa griffe le mot Liberté inscrit en lettres capitales, sous l'oiseau représenté en plein vol.
A présent, ses yeux se portent sur la carte de l'Est, et brillent d'un éclat sauvage. Une lame, qui jette des reflets d'acier. Magnifique, tranchante, acérée.
— L'Epée, murmure-t-il alors que sa main effleure le pommeau de son arme.
La carte de l'Ouest... On y voit un homme attaquer fourbement un autre par derrière.
— La Ruse, lit le Valkyn.
Il sourit à nouveau. Les cartes ne se trompent pas... c'est tout de même étrange. De simples images pour résumer une vie. Il baisse les yeux vers la carte du Sud, et cette fois-ci, il grimace. Elle représente une goutte de sang, unique, en train de tomber vers le sol. Le Valkyne fait claquer ses mâchoires, soudain furieux.
Comment est-ce possible ? J'ai choisi les cartes au hasard !
Il porte involontairement la main à son œil crevé.
C'est mon passé, et ce ne sont que des cartes !
— Justement, non. Elles sont bien plus que ça.
Le Valkyn lève lentement la tête, sans laisser paraître sa surprise. Un homme habillé de noir se tient devant lui, appuyé d'un air nonchalant contre le mur. Après quelques secondes, le Valkyne se rend compte que c'est celui qui a menacé Noxae.
Le Valkyne lâche un rire bref.
— Ah non ? Elles sont magiques, peut-être ? grince-t-il.
L'homme secoue la tête, le sourire aux lèvres.
— Tu manques cruellement de subtilité. Si elles disent la vérité, c'est parce qu'elles sont entre tes mains... tout autre que toi ou moi n'obtiendrait pas le moindre résultat.
— Et qu'ai-je donc de spécial ? demande le Valkyn, amusé.
— Ah, tu n'as pas encore compris... se désole l'Humain. C'est pourtant clair.
— Eh bien quoi ? s'impatiente le Valkyne. Dois-je te trancher la gorge pour te le faire avouer ?
Ses doigts s'aventurent près du manche de sa dague.
— Je ne te le conseille pas, rétorque l'Humain sans paraître effrayé. Parce que, vois-tu, nous allons devoir travailler ensemble. Tu es mon successeur... Tyraël.
Posted: 03 Feb 2006, 12:45
by Elfae
Les yeux du Valkyne s'assombrissent à la mention de son nom.
— L'apprenti finit toujours pas tuer le maître, dit-il d'un air détaché. Tu le sais, ça ? Gryffyn...
— Évidemment, tout comme j'ai tué mon mentor. Mais pour l'instant, tu n'es pas encore digne de me succéder.
Le Valkyne tord sa bouche en un sourire ironique.
— Je n'aime pas qu'on me dise ce que je dois faire. Le chasse est beaucoup plus amusante lorsqu'on est seul...
L'Humain écarte les bras d'un air fataliste.
— Mais tu n'as pas le choix.
— Alors je le prends, réplique le Valkyne, les yeux brillants.
— Voyons voir ça. Retourne la dernière carte.
Les yeux de l'Humain brillent de défi. Le Valkyn sourit, et avec un geste qui montre qu'il n'y accorde pas la moindre importance, il retourne la carte. Il reste de marbre, observant le dessin. Une longue minute s'écoule.
Finalement, il lève la tête et croise le regard de l'homme. Celui-ci sourit.
— Mon successeur, dit-il simplement.
— Non.
La réponse du Valkyn a claqué dans l'air comme un fouet, refus catégorique qui sonne comme un défi.
— Le Destin se chargera de te convaincre... ou il t'y obligera. Que tu le veuilles ou non, Tyraël, tu en viendras à faire mon travail.
— Nous verrons, gronde le Valkyn.
— En effet.
Un instant plus tard, l'Humain a disparu. Dans un geste de colère, le Valkyn dégaine son poignard et l'abat brusquement sur la carte. La lame se fiche dans le plancher avec un «Tchac» sonore. L'acier vibre, émettant un son qui se répand dans l'air, puis se dissipe peu à peu.
Voilà un défi à ma hauteur. Nous verrons bien qui a raison... Et qui est la proie.
La dague s'immobilise, plantée en plein cœur du dessin qui représente un jeu de cartes, exactement semblable à celui que le Valkyne détient.
Posted: 04 Feb 2006, 13:19
by Elfae
Tyraël émet un grondement, indécis. Sa résolution n'a pas changé, il refuse toujours d'avoir quoi que ce soit à faire avec l'Humain nommé Gryffyn, sauf pour le tuer, bien sûr. Il est toujours aussi déterminé, mais il se met à douter.
Est-ce qu'il y aurait une force plus puissante qui dirigerait ma vie ? Non, je refuse d'y croire...
Cependant, il doit se rendre à l'évidence : il n'est plus totalement maître de ses actes. Il a essayé un nombre incalculable de fois de se débarrasser de ce jeu de cartes, sans y parvenir. Quelque soit l'endroit où il abandonne ces maudites cartes, elles se retrouvent toujours dans son sac alors qu'il pense s'en être définitivement séparés.
De plus, en seulement deux jours, il a croisé trois fois la Valkyne, celle qui s'appelle Noxae et à qui il est censé... quoi ? En fait, il ne sait même pas ce qu'il est censé faire.
Un rictus amer lui vient au lèvres, puis il secoue la tête.
Voilà ce que je vais faire : me tenir éloigné d'elle, et faire des recherches sur l'Humain. Je devrais bien trouver quelque chose en ce qui concerne le Destin... ou son messager.
Le Valkyn hoche la tête, satisfait d'avoir résolu son dilemme.
Il y a tant d'endroits où chercher... mais commençons par le plus évident. La bibliothèque.
Il s'enfonce dans les ténèbres en direction de Caldey, plus déterminé que jamais.
A nous deux, Gryffyn !
Posted: 14 Feb 2006, 13:03
by Elfae
Une nuit sans étoiles. Les nuages cachent le ciel. La Valkyne s'immobilise. Humant l'air, les oreilles aux aguets, elle écoute la forêt bruire autour d'elle. Il y a les oiseaux nocturnes qui font retentir leurs trilles mélodieuses, le vent qui passe en sifflant dans les feuilles des hauts arbres, les petits animaux qui creusent le sol à la recherche de nourriture, ceux qui se poursuivent pour jouer, et...
La Valkyne lâche un petit rire.
— Tu es peut-être aussi silencieux qu'une ombre, mais ton odeur te trahit... mon frère.
Le Valkyne qui se cachait dans l'obscurité grogne et s'avance sous le clair de lune. Ils s'observent quelques instants, alors que la brise fait claquer leurs capes.
— Pourquoi me suis-tu ? demande la Valkyne. J'ai senti ton regard posé sur moi ces derniers jours...
— Tu poses la question alors que tu connais déjà la réponse... ma soeur.
Cela fait bien longtemps que le Valkyne n'a plus appelé un de ses semblables ainsi. D'habitude, il les traque sans pitié et les exécute sans le moindre remords, porté par sa haine. Mais ce qu'il ressent pour cette Valkyne est différent : il a l'étrange impression d'être lié à elle. Refusant d'accomplir les plans de l'Humain, il s'est contenté de l'observer de loin pendant quelques Jars, jusquà ce qu'elle repère son odeur et le démasque.
— Gryffyn... C'est à cause de lui...
Le Valkyn se contente de grogner, peu désireux d'entrer dans les détails.
— Je n'ai rien à voir avec lui, dit-il simplement.
La Valkyne et dévisage son interlocuteur. Leurs yeux se croisent, quelque chose passe entre eux, une compréhension qui n'a pas besoin de paroles. Ils restent ainsi une bonne dizaine de minutes, à s'observer dans le silence de la nuit, à explorer le regard de l'autre. Quelque part, un hibou hulule. La pluie se met à tomber, mais ils demeurent figés dans leurs attitudes respectives.
C'est finalement le Valkyn qui prend la parole :
— Que proposes-tu ?
— Une Alliance.
Le Valkyn incline la tête et ferme les yeux quelques instants.
Pourquoi pas ? Après tout, je n'ai rien à perdre...
Il rouvre les paupières et s'avance vers la Valkyne, lui tendant sa main, paume tournée vers le ciel. La Valkyne lui attrape le poignet sans hésiter, ses griffes étincellent dans la nuit, et elle lui entaille profondément la paume, traçant trois traits de sang. Le Valkyn n'a pas tremblé, pas même bougé un cil. Sans un mot, elle lui lâche la main et lui présente la sienne. Le Valkyn la taillade exactement de la même façon, et la Valkyne ne frémit pas plus que son congénère.
Ensuite, ils accolent leurs mains l'une à l'autre, entremêlant leurs doigts, mélangeant leurs sangs, et ils prononcent les mots qui scelleront leur pacte. Un pacte qui les lie à jamais par le sang, qui fait d'eux des frères et soeurs dans l'âme, concept qui dépasse de loin la simple fraternité de race chez les Valkyns.
L'ancienne magie de leur peuple agit, ne laissant aucune place au doute. A présent, si l'un d'eux est en danger, l'autre le sentira, si l'un d'eux est blessé, l'autre souffrira, et si l'un d'eux meurt, l'autre... mourra aussi.
— Je ne suis pas seule, dit la Valkyne après un temps de silence. J'ai sous mes ordres des Humains, ainsi que quelques représentants d'autres races.
Le Valkyn sourit, dévoilant ses canines acérées.
— Je sais. Les Assassins de l'Ombre.
— Tu es bien renseigné, mon frère... murmure la Valkyne. Désires-tu nous rejoindre ?
Le sourire du Valkyn s'élargit, ses yeux brillent d'une lueur amusé.
— J'en serais ravi.
Posted: 15 Feb 2006, 13:28
by Elfae
La Valkyne lui a dit de s'adresser à l'un de ses lieutenants pour officialiser son entrée dans cette mystérieuse organisation qui se fait appeler les Assassins de l'Ombre. Elle lui a décrite son odeur très précisément, si bien qu'il l'identifie aussitôt lorsqu'elle parvient à ses narines. Il s'éloigne du cadavre de la liche qu'il vient d'abattre et hume l'air pour déterminer la position de l'Humain.
Il est là. Le Valkyn l'inspecte d'un rapide coup d'œil : un Breton de taille moyenne, entièrement vêtu de noir, portant deux lames courtes de chaque côté des hanches. Il dégage une impression de danger mêlée de force, mais il n'a pas l'air belliqueux. Du moins pas en cet instant. Son visage est masqué sous une cagoule noire également, mais pour le Valkyn il n'y a aucun doute, c'est bien celui qu'il cherchait.
Il l'aborde avec méfiance, comme il convient pour un Valkyn en territoire étranger. A croire qu'il est difficile de se défaire de certaines habitudes.
Ils parlent un certain moment, l'Humain lui pose de nombreuses questions, et le Valkyn fait de son mieux pour donner des réponses. Il ne m'appartient pas de révéler lesquelles, ni ce que le Valkyn lui dit. Comprenez que cela fait partie de l'aura de mystère qui entoure cette guilde, et de plus je ne tiens pas à me réveiller un matin, un couteau en travers de la gorge.
Finalement, le Valkyn accepte les conditions que l'Humain pose à son entrée dans l'organisation. Ils réglent encore quelques détails, puis se séparent après s'être échangés leurs noms, que je ne dévoilerais pas ici bien entendu.
Le Valkyn reste un moment songeur après cet entretien. Il est certain que l'homme ne lui a pas donné son véritable nom, mais cela lui importe peu. Seule son odeur est fiable, et le Valkyn sait qu'il la reconnaîtra n'importe où à présent. Ce n'est pas non plus le fait que l'Humain sache son nom à lui qui le contrarie. Il n'est ni un ami ni un ennemi, juste un instrument. Une arme qu'il saura utiliser contre l'Humain nommé Gryffyn.
Non, ce qui tracasse le Valkyn, c'est la question qui l'a poursuivi toute sa vie, et qui ne cesse de lui hanter l'esprit : Ai-je fait le bon choix ? Ne me suis-je pas trompé ?
Il fait claquer ses mâchoires, frustré. Il avance dans l'incertitude la plus totale... Ce qu'il déteste ça ! Cependant, en cet instant, il est sûr d'une chose : le temps lui apportera la réponse à sa question.
Posted: 17 Feb 2006, 22:44
by Elfae
Tyraël avait la désagréable impression de n'être qu'un pion. Un vulgaire chiffre dans une équation dont il avait du mal à saisir son importance. Quelqu'un le manipulait, et il n'était pas difficile de deviner qui. L'Humain avait fait ses preuves en tant qu'ennemi et Tyraël se rendait peu à peu compte qu'il l'avait largement sous estimé. L'homme nommé Gryffyn était plus fort, plus intelligent que les standards de sa race, et il ne cessait de le surprendre.
Il ne comprenait même pas le sens de ce jeu. Qu'essayait-il de faire ? Contrôler leurs destins ? C'était risible... Il ne cessait de retourner dans sa tête les différents éléments à sa disposition, mais il n'aboutissait jamais à rien. Il échafaudait dans son esprit des hypothèses toutes plus folles les unes que les autres pour tenter de trouver un sens à cette mascarade, mais aucune n'étaient concluantes.
Alors quoi ? Une énigme supplémentaire vint s'ajouter au tas lorsqu'il reçut une lettre pour le moins étrange. D'habitude, personne n'écrivait à Tyraël. Pourquoi lui aurait-on écrit ? Comme il ne cessait de le répéter, il n'était qu'un pauvre Valkyn sans importance. Mais quelqu'un semblait penser le contraire.
Tyraël eut un grognement — qui tenait lieu chez lui de remerciement — à l'adresse du facteur et parcourut rapidement la lettre du regard. Aucune signature. Le Valkyn ne s'en étonna pas, il avait déjà sa petite idée sur l'identité de l'envoyeur. Il renifla la lettre, mais seule l'odeur de l'encre noire lui monta aux narines. L'écriture était fine, précise, et agrémentée de longues courbes ici et là.
Tyraël s'installa au calme dans un coin et commença sa lecture.
La bataille fait rage.
Coups bas, retournements de situations, sacrifices désespérés, pièges fatals... Toutes les tactiques sont bonnes pour vaincre. Rien ne nous est épargné. Les soldats jettent toutes leurs forces dans le combat. Il y a des héros dans les deux camps.
Tu commandes tes troupes sans faillir, puisant dans ta volonté pour continuer à te battre. Tu essaies de les garder en vie le plus longtemps possible, mais tu sais que pour obtenir la victoire il y a toujours un prix à payer.
Ton adversaire te rend coup pour coup et ne cède pas un pouce de terrain, envoyant son armée là où la tienne est le plus en difficulté. Il vise toujours tes points faibles, en bon tacticien. Sa ruse est son atout principal : il envoie ses troupes toujours là où tu ne t'y attends pas. Surprises, les tiennes n'ont pas le temps de s'organiser pour une riposte.
Sa stratégie est d'une logique implacable. Ses cavaliers fendent les rangs de tes troupes, les décimant méthodiquement, réduisant à néant ta défenses.
Tu t'es résolu à sacrifier un bataillon pour faire diversion. Ils se battent vaillamment pour défendre leur position. Mais ça ne suffit pas, et tes soldats se font tailler en pièces par l'ennemi.
Ton adversaire déplace le combat, se servant de l'espace comme d'une arme contre toi. Peu à peu, la bataille tourne en sa faveur. Bientôt, vous êtes submergés sous le nombre. Tes troupes reculent sous la pression, et nombreux sont ceux qui y laissent la vie.
En désespoir de cause, tu te barricades dans la tour. Tes derniers soldats se battent vaillamment, mais ils finissent par y laisser la vie. C'est alors que la reine noire et son fou maudit font leur apparition. Ils pulvérisent tes ultimes défenses, et...
— Échec et mat.
Et une ligne plus bas, toujours de cette même écriture mais cette fois à l'encre rouge :
Tu vois, Tyraël, ce n'est qu'un jeu.
Le Valkyn lâcha un grondement, mais en réalité il était plus perplexe qu'en colère. Il se demandait quel était le sens de tout ceci. Il ne faisait aucun doute que la lettre eut été envoyé par Gryffyn, mais dans quel but ?
Pris d'une intuition subite, Tyraël retourna la lettre. Au verso, il n'y avait qu'une seule phrase écrite à l'encre bleue, qui s'étalait sur toute la longueur de la page :
Comment distingue-t-on le danseur de la danse, ou le rêveur du rêve ?
Le Valkyn secoua la tête, se sentant un peu perdu. Car la réponse était des plus simples.
C'était impossible.
Posted: 04 Mar 2006, 15:10
by Elfae
Tuer est un art.
La Valkyne le sait bien. Elle a quelques... expériences en la matière. Suffisament pour qu'elle en vienne à oublier le nombre précis d'hommes tombés sous ses lames. Mais ça n'a pas d'importance.
La saveur du sang reste inchangée, même après une centaine de fois. Comme au premier jour... La Valkyne se lèche les lèvres puis se redresse, laissant tomber le cadavre à ses pieds. Le corps s'écroule lourdement sur le sol, dans l'herbe de la plaine. Déserte à cette heure, bien entendu.
L'homme a les yeux grands ouverts, on peut encore lire dans ses pupilles bleues l'étonnement mêlé à une peur intense. Le sang s'écoule encore des profondes marques de griffes qu'il porte au ventre, causes certaines de sa mort. N'eussent été les deux plaies jumelles à sa gorge, qui attestent d'une mâchoire peu developpée, on aurait pu croire qu'il vient d'être tué par un animal sauvage.
La Valkyne lève la tête vers les étoiles. Elle écoute attentivement, tous les sens aux aguets. Prudence, prudence. Le chant des oiseaux nocturnes qui traverse la forêt toute proche lui parvient, mélodieux, pur. Le vent souffle toujours, faisant onduler les hautes herbes, sans interruption. La lune émerge de son chariot de nuages, là-haut dans le ciel.
La Valkyne s'autorise un sourire. La trame invisible du monde n'a pas été dérangée, elle a su mener sa chasse parfaitement, en harmonie totale avec la nature. A peine essouflée, elle laisse passer quelques secondes, savourant l'instant.
Puis, dans un mouvement coulé qui semble la souplesse même, elle s'accroupit auprès du cadavre encore chaud, et trace sur son front un symbole mystérieux.
Tuer est un art.
Le Valkyn l'a appris. Et maintenant, il met en pratique. Il suit sa proie depuis une bonne heure à présent. Une heure à se cacher dans les ombres, une heure à respirer si doucement qu'une plume placée devant ses narines resterait immobile, une heure à marcher aussi silencieusement qu'un félin en chasse. Une heure qu'il est invisible aux yeux de sa proie.
Sa proie qui pendant cette heure, a traqué une autre proie, sans se douter une seule seconde qu'elle était suivie. Le Valkyn rive son regard sur elle et l'examine d'un œil critique. Jeune, la silhouette élancée, les prunelles d'un noir perçant, la fourrure couleur de nuit. Pas mal. Et bien sûr, il y a ses armes. Deux griffes tranchantes, redoutablement acérées, d'un bleu strié de blanc.
Un beau combat en perspective...
Le Valkyn attends le moment propice. Celui où sa proie relâchera enfin son attention. Celui où révéler sa présence ne sera pas synonyme de mort, mais de surprise. Et par conséquent, de plus grandes chances de victoire.
Lorsque sa proie se penche sur le cadavre de l'humain, le Valkyn comprends que le moment est venu. Et il passe à l'attaque.
Posted: 05 Mar 2006, 11:02
by Elfae
La Valkyne se retourne juste à temps pour parer le coup de son congénère. L'acier de la lame résonne contre celui de la griffe, qu'elle a levé au dernier instant, par réflexe. Leurs yeux se rencontrent. La Valkyne retrousse les lèvres en découvrant le visage de son assaillant.
— Toi ! siffle-t-elle.
Le regard du Valkyn étincelle d'une lueur amusée.
— Moi, confirme-t-il.
Puis il accentue la pression de son arme sur la griffe de la Valkyne, espérant la faire reculer. Mais celle-ci se contente de déplacer le point d'équilibre d'un simple mouvement du poignet, et d'effectuer un pas glissé sur le côté pour se dégager, suivie d'une roulade. Elle se relève souplement et observe son adversaire, l'air perplexe. Quelques mètres les séparent à présent.
Noxae et Tyraël se font face. La première paraît incrédule, comme si elle ne parvenait pas à accepter ce qu'elle voyait, tandis que l'autre garde à présent un visage impénétrable. Ils se dévisagent en silence, alors que la lune émerge des nuages pour venir éclairer la scène.
— Alors, il a fini par te convaincre, lance Noxae d'un ton amer.
— Ce n'est pas ce que tu crois, dément Tyraël en secouant la tête. J'ai beaucoup réfléchi, il n'y a pas d'autre solution. Mais je ne le fais pas pour cet.... Humain, ajoute-t-il en crachant le dernier mot.
— Pourquoi alors ? demande la Valkyne en commençant à tourner autour de son adversaire.
— Parce que c'est ainsi qu'il doit en être, réponds le Valkyn en suivant le mouvement.
Il bondit soudain, comblant la distance qui le sépare de Noxae en moins d'une seconde.
— Et tu le sais très bien ! grogne-t-il alors qu'il donne un violent coup de taille au niveau de la gorge de la Valkyne.
Celle-ci se contente de reculer le torse en une passe arrière, puis se baisse à la vitesse de l'éclair, passe sous la garde de Tyraël, et lacère son ventre de deux coups de griffe. L'armure de cuir du Valkyn se déchire comme du papier sous le métal renforcé de rune, et le sang jaillit.
L'épée de Tyraël siffle dans l'air, et fend l'espace où se trouvait la Valkyne quelques instants plus tôt, mais trop tard. Elle s'est déjà mise hors d'atteinte, à quelques mètres du Valkyn. Le regard fixé sur le liquide rouge sombre qui s'écoule de la plaie de Tyraël, elle gronde :
— Le sang ! Le sang, mon frère ! Aurais-tu oublié notre serment ?
Elle lui montre la paume de sa main, sur laquelle on peut voir très clairement trois marques de griffes parallèles, là où le poil n'a pas encore repoussé, et reprends d'un air féroce :
— Ou peut-être que ça ne signifie rien pour toi ?
Une main plaquée sur sa blessure, s'efforçant de masquer sa souffrance, Tyraël secoue lentement la tête.
— Tu ne comprends pas. C'est justement ça, notre serment, qui m'oblige à faire ce que je fais.
La Valkyne lâche un rire bref et sans joie.
— Non, en effet, je ne comprends pas. Explique-moi donc !
Tyraël reprends difficilement sa respiration et se place en position de combat, le regard dur et déterminé. Lorsqu'il parle, sa voix est à peine un murmure :
— Le combat. Voilà comment un Valkyn digne de ce nom doit mourir. Pas dans son lit, pas alors qu'il mange, qu'il court ou je ne sais quoi d'autre. Il doit mourir au combat.
— Jusque là, nous sommes d'accord, acquiesce la Valkyne.
— Alors, réfléchis. Tu ne peux pas vaincre Gryffyn, tu le sais. Pas dans un assaut frontal. Mais tu peux l'avoir par la ruse. Et quelle meilleure ruse y-a-t-il que le Kendar ?
En entendant ce mot de l'ancienne langue de leur peuple, les yeux de la Valkyne se plissent. Tyraël lève son épée devant son visage, accrochant les rayons lunaires qui viennent s'y refléter, et offre un sourire sincère à Noxae.
— Moi, je t'offre le choix. Ce ne serait pas une défaite, ma sœur. Simplement une manière différente de continuer le combat.
Noxae renifle, hésitante.
— Peut-être, reconnaît-elle. Mais dans ce cas, pourquoi m'attaquer par derrière, sans prévenir ?
Tyraël ricane.
— Les vieilles habitudes. Et puis, je n'avais pas vraiment besoin de te dire tout ça. Tu le savais déjà, même si tu refusais de l'accepter.
Le regard de Noxae accroche celui de son frère. Elle le sonde. Longtemps. Et ce qu'elle y voit achève de la convaincre.
Oui, Tyraël a raison. Mes choix m'ont conduit ici... inexorablement. Je ne peux pas reculer. Et il faut savoir affronter son destin, parfois. Même si celui-ci ne nous plaît guère.
Au terme d'un long échange silencieux, Noxae hoche la tête. Sur les lèvres de Tyraël se dessine un mince sourire.
— Kendar, alors, dit calmement Noxae.
— Le véritable Kendar ne peut être que volontaire, fait doucement remarquer Tyraël.
— Il le sera, assure la Valkyne, une lueur étrange au fond des yeux.
Ils se sourient une dernière fois, partageant quelque chose qui les dépasse. Le Valkyn adresse à Noxae un salut martial, puis écarte les bras, épée tendue à l'horizontale. Prêt à frapper. La Valkyne reste immobile, les bras le long du corps, détendue. Elle ferme les yeux.
Alors Tyraël s'élance, sa lame à bout de bras. Trois pas, un bond, un sifflement. L'acier tranchant mord la chair offerte, à l'endroit précis voulu par le Valkyn. La tête de Noxae s'envole, détachée net du reste de son corps qui s'écroule dans l'herbe. Une traînée de sang éclabousse l'air, sans qu'une seule goutte ne vienne tâcher l'armure de Tyraël.
Kendar.
Sacrifice.
Posted: 06 Mar 2006, 19:50
by Elfae
Le brouillard. La nuit. Les ténèbres. C'est ça, la mort ?
— Noxae.
Il est là, devant moi. Un tourbillon de griffes, de crocs, d'acier. Une tornade de lames étincelantes qui tournoient sans jamais s'arrêter. Un champ de bataille dévasté. Des affrontements amicaux, des duels, de gigantesques et interminables batailles, des combats à mort. L'art du combat au corps-à-corps dans toute sa puissance. Il est tout cela, et bien plus.
— Kelgor.
— Tu t'es bien battu, Valkyne.
J'entends sa voix, et pourtant il ne parle pas. Ici, il n'y a pas de sons. Pas de corps, rien que des esprits.
— Alors, c'est la fin ?
J'ai posé la question sans même m'en rendre compte.
— Il faut une fin à tout, même aux combats les plus braves.
Bien sûr. Et je l'ai choisi, après tout, cette fin. D'autres que moi continueront le combat... Tyraël a de bien meilleures méthodes que moi, je suis certaine qu'il parviendra à triompher de Gryffyn.
Le Dieu Sauvage fait un geste, et une porte aux contours brillants se dessine dans l'air devant moi.
— Il est temps de partir.
Je m'approche de la porte. Oui, je suis morte, et pourtant, je ne regrette rien. Le monde n'a pas besoin de moi pour exister. Je n'ai été qu'un souffle, à peine un passage dans ce grand tout. Quant à mes amis, si j'en ai jamais eu un jour, ils se débrouilleront sans moi. Et Brume... elle comprendra.
A l'instant où je franchis la porte, la devise de mon peuple retentit une dernière fois autour de moi :
Si j'avance, suivez-moi.
Si je recule, tuez-moi.
Si je meurs, vengez-moi.
Et la Valkyne disparaît dans les ténèbres.
Posted: 06 Mar 2006, 19:51
by Elfae
Bug fofo, si un modo pouvait supprimer le message.

Posted: 29 Mar 2006, 19:21
by Elfae
Les morceaux de conscience flottent, sans attaches. Libres. Épars. Il n'y a plus rien, l'esprit s'est dissout dans le grand tout, lentement, doucement. Personnalité éclatée. Identité en miettes. Le calme règne en ce lieu de nulle part. Ici, ni être, ni avoir. Pas de couleurs, pas de sons, pas de sentiments. Ni haut ni bas. Rien que le néant. Et c'est suffisant.
— Sœur.
Le murmure effleure les sens dispersés. Les touche, un à un. Dessine... quoi ? un ensemble. Oublié. Il devrait en être ainsi... dit-il. Mais non. Quelque chose requiert l'attention... de qui ? Personne. Ce n'est pas la peine, il n'y a rien. Il n'y a jamais rien eu. A la dérive... de nouveau. Silence. Douceur cotonneuse.
Et puis la minuscule lueur qui brille de nouveau, opiniâtre :
— Sœur.
Le contact manque de puissance. De la fumée portée par le vent. Mais il ne lâche pas prise. Il s'obstine. S'affirme. De l'autre, côté, négation. Refus. Pourtant, le mot chuchoté effleure les morceaux d'identité, et les rassemble. Peu à peu. Quelque chose se forme.
— Sœur.
Identité, maintenant. Questionnement. Moi ? Qui suis-je ? Sœur ? Ça ne suffit pas. Il manque une pièce dans le puzzle. Une dernière pièce pour que tout s'emboîte. Et c'est...
— Noxae.
Le nom, à peine plus consistant qu'un murmure, résonne de tous les côtés. Il renvoie une image qui capture les fils de la personnalité de la Valkyne. Le nœud se reforme. Les brins se tressent, presque tout seuls. S'enroulent les uns sur les autres. La conscience émerge du puits de ténèbres. Je suis. A nouveau. Une question vient à l'esprit :
— Pourquoi ?
La réponse (me ?) parvient, claire et limpide comme du cristal :
— De l'aide. J'ai besoin d'aide.
Les mots se frayent un chemin, porteurs de sens. Aide. Besoin. Vie... ? Le timbre m'est familier, je connais cet esprit. Je. Moi. Quelque part, une porte s'ouvre. Les profondeurs endormies de l'être se réveillent. Les souvenirs affluent. Tout me revient, d'abord par bribes, puis par morceaux entiers. J'attrape ce que j'étais, réparant le miroir du moi. Tellement simple...
L'esprit-frère demande d'une voix douce :
— Viendras-tu ?
Une main tendue. Hésitations. Questions. Dois-je.. ? Vais-je... ? Une seconde. Une éternité. Mais il ne peut y avoir qu'une seule réponse :
— Oui.
Je saisis sa main.
Posted: 30 Mar 2006, 19:08
by Elfae
Passage. De l'éternité au temps. Du non-être à la vie. Et soudain, la Valkyne a un corps.
Inspiration. Elle ouvre les yeux. Et les referme aussitôt. Trop de sensations. Elle avait oublié à quel point les couleurs étaient vives. Les sons bruyants. Et combien son corps était lourd. Elle est à nouveau emprisonnée dans la chair. Entravée dans une enveloppe corporelle.
Elle a froid, elle a faim, et elle souffre. Ce corps est plein de lésions, anciennes et nouvelles, de cicatrices qui ne guériront jamais. Un soupir lui échappe. Noxae est de retour, mais elle n'en éprouve aucune joie.
— Je t'ai laissé le choix.
Un ton presque accusateur. Comme s'il s'en voulait.
— Je sais, grogne la Valkyne. Je sais, Tyraël.
Elle ouvre les yeux et croise le regard de son frère. Un long moment s'écoule sans qu'aucun d'eux ne parle. Peut-être parce qu'il n'y a rien à dire. Finalement, Noxae, au prix d'un violent effort, parvient à s'asseoir. Elle baisse les yeux. S'observe.
— C'est mon corps, constate-t-elle. Comment as-tu...
Elle n'achève pas la question. Les mots ne veulent pas franchir ses lèvres.
— Les guérisseurs font des miracles.
Tyraël n'en dit pas plus, et tout compte fait, la Valkyne préfère ça. Son imagination se chargera du reste... à son insu. Elle sait déjà qu'elle n'échappera pas aux cauchemars.
— Comment m'as-tu retrouvé ? Je croyais que la mort était... définitive.
Elle fait jouer ses griffes, étonnée. Tout est comme avant. Ou presque.
— Je le pensais aussi, avoue le Valkyn. Mais ça ne m'a pas empêché d'essayer... La magie de notre peuple est puissante. Peut-être trop, ajoute-t-il avec une pointe de regret.
Silence, encore. La Valkyne a du mal à organiser ses pensées. Il lui faut du temps. Du temps pour réapprendre à vivre. Le pourra-t-elle seulement ?
— De l'aide, disais-tu ? s'enquiert Noxae au bout de quelques minutes.
— J'ai longtemps réfléchi, réponds le Valkyn en hochant la tête. Longtemps hésité, aussi. Mais je crois avoir trouvé un moyen. Quelque chose qui repose entièrement sur la surprise. C'est pour ça que je t'ai rappelé.
— Pour une surprise... c'en est une, ricane amèrement Noxae.
Les yeux de Tyraël étincellent dans l'ombre.
— Justement, ma sœur. Justement. Laisse moi t'expliquer...
Ce qu'il fait, tandis que Noxae écoute attentivement. Lorsqu'il a fini, la Valkyne n'a pas changé d'avis : elle aurait préféré ne pas revenir. Elle ne se sent pas mieux. Pourtant, très lentement, un sourire involontaire se dessine sur ses lèvres.
Posted: 31 Mar 2006, 14:54
by Elfae
Une nuit comme les autres. En apparence. Si l'on regarde mieux... un feu brille, quelque part dans les profondeurs de la forêt d'Hibernia. Le Valkyn tout de noir vêtu attends, patiemment. Les yeux fermés. Il sait bien qu'il ne verra pas approcher son ennemi. Il ne l'entendra pas non plus. Ce qui ne l'empêche pas d'essayer.
Une ombre passe devant les flammes. Un frissonnement. Le Valkyn ne bouge pas d'un poil. La tranquillité même. Toujours assis en tailleur, il ouvre les paupières. Croise le regard de l'humain, de l'autre côté du feu.
— Tu voulais me voir ? demande Gryffyn avec un sourire.
Le ton se veut désinvolte, mais la question renferme bien plus qu'elle n'en laisse paraître. L'enjeu n'est pas à prendre à la légère. Il est vital. Il l'a toujours été.
— En effet, confirme Tyraël avec un soupir.
Le Valkyn a l'air désespéré. Aux abois. Résolu. Vaincu... ?
— J'ai... commence-t-il.
Il s'interrompt. Hésite. Cherche ses mots.
— J'ai essayé d'échapper... à ce que tu avais prédit. Je m'y suis opposé par tous les moyens que j'ai pu trouver. Au-delà de mes limites... mais...
Le Valkyn baisse la tête, son regard se perd dans les flammes.
— J'ai échoué.
Seul le silence lui répond. Il lève les yeux, perplexe. L'humain a un grand sourire, qui s'élargit encore alors qu'il murmure :
— Évidemment. Qu'espérais-tu d'autre, fou que tu es ?
Il penche la tête de côté, regardant Tyraël avec un amusement certain. Ce dernier cille et détourne les yeux.
— Nul ne peut empêcher la marche du monde. Tout se déroule comme il doit en être... je suis là pour ça.
Le Valkyn a les mains qui tremblent, il ouvre la bouche pour parler mais n'arrive pas à prononcer un seul mot. Ses épaules tressaillent alors qu'il croise les bras et garde le regard fixé sur le feu.
— C'est ton devoir, à toi aussi, reprends Gryffyn d'une voix calme. Tu as accompli le premier pas en exécutant cette Valkyne. Maintenant, il faut faire le deuxième... celui qui te fera définitivement entrer dans le cercle des Gardiens.
— Je... très bien.
Le Valkyn a murmuré ces mots, pourtant ils résonnent dans l'air au rythme des battements de son cœur. C'est-à-dire bien trop forts à son goût. Gryffyn se lève souplement, contourne le feu et s'arrête devant Tyraël. Le Valkyn lui fait face, debout lui aussi. Nerveux. Un instant passe, durant lequel ils s'observent mutuellement.
Puis l'homme lui tends la main avec un regard rusé.
— Que choisis-tu, Tyraël ?
Les lèvres du Valkyn se retroussent. Les crocs brillent dans l'ombre. Il attrape la main de l'humain, sans hésiter, comme si toute sa vie ne l'avait mené qu'à cet ultime geste.
Et le piège se referme.
Posted: 01 Apr 2006, 18:56
by Elfae
Un geste foudroyant. Le Valkyn a tiré sa dague et l'a abattu sur le bras de l'humain, qu'il tenait fermement. Ou du moins a-t-il essayé. Car Gryffyn s'est mis hors de portée en un instant, s'arrachant à son étreinte. Pas assez vite, cependant. L'acier a tracé une fine ligne sanglante, déchirant la manche de son vêtement. L'humain hausse un sourcil, l'air surpris.
— Encore plus stupide que je ne le pensais. Tu ne veux pas endosser l'habit que le Destin a tissé pour toi ? Alors il ne tes reste plus qu'à marcher dans la tempête... Mais tu sais combien c'est dangereux...
Sans le laisser poursuivre davantage, le Valkyn bondit sur Gryffyn, lame en avant, lequel évite le coup avec une fluidité sans pareille. Tout comme les suivants. Tyraël frappe et frappe encore, mais la dague ne rencontre que le vide. Ne transperce que l'air. L'humain l'évite à chaque fois, d'un mouvement d'épaules adroit, d'un effacement du buste, d'un saut qui fait voltiger sa cape.
Alors que le Valkyn se précipite une nouvelle fois vers lui, il lui saisit brutalement les deux poignets, et se servant de l'élan déjà acquis, le déséquilibre et l'envoie rouler quelques mètres plus loin. Tyraël se rétablit avec un grognement, un genoux à terre. La lumière du feu projette des ombres incertaines sur son visage. Ombres ? Un sourire voltige sur ses lèvres, et il disparaît aussitôt au regard. Fondu dans la nuit.
Gryffyn fait virevolter le poignard du Valkyn au bout de ses doigts.
— Même pas capable de garder son arme en main... déplore-t-il.
Il parcourt les environs du regard, une lueur de mort dansant dans ses yeux. Mais l'assassin reste invisible, ombres parmi les ombres.
— Tu ne peux pas gagner, Tyraël. M'égratigner, c'est tout ce dont tu es capable. La lame a à peine pénétré la chair... ajoute-t-il en examinant sa blessure d'un air faussement déçu.
— Regarde mieux... murmure une voix venue de nulle part.
— Dois-je comprendre que tu avais un atout dans ta manche ? fait Gryffyn d'un ton sceptique. Eh bien dis-moi, quel est-il ?
— Oh, trois fois rien... juste une lame enduite du poison le plus mortel qui soit... une égratignure est plus que suffisante. Je ne te donne pas plus qu'une ou deux minutes à vivre, ajoute la voix, semblant caresser les derniers mots.
L'espace d'une respiration, une lumière de doute s'allume dans les yeux de l'humain. Mais elle s'évanouit à peine apparue, si bien que le Valkyn en vient à douter de ce qu'il a vu. Il reste immobile alors que Gryffyn éclate de rire.
— Pas mal... oui, vraiment, pas mal du tout, apprécie l'humain. Mais tu pensais vraiment qu'un simple venin, fût-il létal, suffirait pour me tuer ?
Un grognement déçu lui réponds.
— Mais trêve de bavardages ! Tu as laissé passer ta chance, reçois le prix de ton erreur !
Il se retourne brusquement. Un sifflement. Le choc. Inattendu. Les yeux du Valkyn s'écarquillent sous l'effet de la surprise. Puis la douleur le frappe de plein fouet. Le paralyse. Il bascule sur le dos, impuissant. La dague s'est enfoncée à deux pouces au-dessus du cœur. Jusqu'à la garde. Projetée avec une telle force qu'elle a traversé l'armure comme du papier.
— Quoi... il a... raté sa cible... ?
Les pensées du Valkyn sont brumeuses. Voilées par la souffrance. C'est à peine s'il voit Gryffyn s'approcher de lui. Se pencher. L'examiner avec un sourire.
— Fin de la partie, mon cher.
Il pose la main sur le poignard, s'apprêtant à le retirer pour le plonger à nouveau dans la chair du Valkyn. Et il touchera juste, cette fois. Tyraël lutte pour rester conscient : il ne mourra pas les yeux fermés, non, pas comme un proie... Une pensée lui traverse l'esprit.
— Il restait du poison... sur la lame ? Non... je serais déjà mort. Ce n'est qu'une question de secondes, de toute façon... la main de l'homme ou le venin... Quelle importance ?
Il est prêt. Prêt à mourir. Comme s'il avait perçu sa résolution, Gryffyn se permet un léger sourire. Ses doigts enserrent le pommeau de la dague. Un deuxième coup, précis et ajusté, et tout sera terminé. Mais à l'instant où tout va basculer, une lame froide se pose sur son cou. Il se fige et ses yeux s'agrandissent de stupeur. Il a commis la pire des erreurs. Sous-estimer ses ennemis.
Une voix mortelle lui chuchote à l'oreille :
— J'ai toujours dit que le plus grand défaut des humains était de ne jamais regarder derrière soi... Croyais-tu vraiment qu'un Valkyn abandonnerait si facilement ? Le combat n'est terminé que lorsqu'on l'a gagné....
Et, sans plus de cérémonie, Noxae tranche la gorge de Gryffyn. Un geste vif, suivi d'un flot de sang. L'humain qui se prétendait messager meurt sans un mot, un étrange sourire plaqué sur les lèvres.
Par dessus le cadavre, les deux Valkyns échangent un regard complice. Ils ont survécu. Ils ont gagné. Et à présent, ils sont libres.
Posted: 02 May 2006, 18:57
by Elfae
Il fait trop sombre pour voir au-delà de la quantité d'étoiles qui s'échappent du feu et montent vers le ciel nocturne, mais la Valkyne essaie tout de même. Que fait-elle là, en cet endroit reculé des terres de Midgard ? Elle ne le sait pas elle-même. L'envie de fuir l'a prise brusquement. L'envie ? Non, le besoin. Besoin de fuir le monde, de fuir les Humains. De fuir sa vie.
Alors elle n'a pas résisté et est venue se réfugier ici. Devant son arbre. Le symbole de son destin. La personnalisation de sa haine. Les yeux fixés sur l'écorce rugueuse de l'antique végétal, elle crispe ses poings dans la terre.
Pourquoi faut-il toujours que tous m'abandonnent ?
La trahison a imprimé sa marque sur le visage de la Valkyne, les sillons creusés par les larmes sont autant de traces dans sa fourrure. Pourquoi pleure-t-elle ? se demande-t-elle rageusement. Elle ne doit pas pleurer. Ce ne sont que des Humains... Elle n'aurait jamais dû leur faire confiance. Après tout, qui a déjà vu un Homme tenir une promesse ?
Et pourtant son cœur souffre. Elle a cru en eux. En eux deux. Et ils sont partis. Définitivement. Irrévocablement. Comme son âme a mal... Elle ne se sent pas de taille à relever le défi. Pas tout seule. Tout lui semble si dérisoire maintenant. A quoi bon se démener s'il n'y a que la mort en récompense ?
Une vieille devise Valkyne lui revient alors en mémoire : Si tu ne le fais pas pour le but, fait le pour le geste. Le Valkyne pousse un soupir. Elle aimerait rester ici, mais elle ne peut pas. Elle ne doit pas. Peut-être qu'elle pourra tout de même faire quelque chose... quelque chose qui servirait ses intérêts. Oui.
Elle attrape un morceau de bois, et trace quelques signes dessus, d'un mouvement rapide de griffe. Elle se lève et le jette dans le feu avec un seul mot qui sonne comme une sentence :
— Grrawarr.
Puis elle s'éloigne dans la nuit d'un pas décidé. Au cœur des flammes, le morceau de bois commence à se consumer. Il brûle inexorablement. A sa surface, les lettres inscrites par Noxae étincellent. Des lettres qui forment deux mots. Deux noms.
Hayt. Adetrem.